TOISONS D’IVOIRE

  • By:
  • Category:
  • 20 avril 2018

TOISONS D’IVOIRE, 2018

Oeuvres réalisées à La fondation Zinsou, Benin
cheveux synthétique – acier
dimensions variables

C’est en m’intéressant aux coiffures des femmes africaines, en observant la complexité de ce que j’appelle ces « broderies capillaires », que j’ai découvert le travail ext raordi- naire du photographe Nigérian J.D.’Okhai Ojeikere.Il fut témoin du rôle de ces coiffures, qu’il a photographié durant toute sa vie, et de leur évolution. Ojeikere en parlait déjà comme des sculptures, c’est d’ailleurs pour cela qu’il photogra- phiait les femmes de dos, pour saisir dans ses clichés la plus grande partie du volume et souligner leur aspect sculptural. J’ai découvert, grâce à son travail, que les tresses, les raies des tissages, forment des pleins et des vides très précis. Les formes de ces coiffures ont du sens, certaines sont témoins de vie, conçues pour des mariages ou des traditions spécifiques. Certaines marquent le passage à l’âge adulte, une appartenance ethnique. « L’Aga- racha », par exemple, se porte au quotidien, « l’Ananas » est plus mondain, la « Mai Bu » se porte pour les grandes occasions. Mais toutes, au final, subliment le corps des femmes grâce à ces arabesques de cheveux. Aujourd’hui, les cheveux utilisés pour ces coiffures sont en majorité synthétiques… Finalement, ces mèches resteront après celles qui les portent, tout comme les photos de J.D.’Okhai Ojeikere… Il est quand même intéressant de se poser la question de la durabilité de ces matières. Elles font partie intégrante de la consommation africaine. Une femme change de coiffure en moyenne quatre fois par mois et ce travail est loin d’être une partie de plaisir : les tresses synthétiques sont cousues sur une base de vrais cheveux très courts et tressés de manière très serrée, et chaque passage peut prendre quatre à dix heures selon la complexité des formes. Pour se faire coiffer, on prend le temps, on s’assoie, on discute, on échange. Les salons sont de vrais lieux de rencontre, certains y passent la journée. On y mange et on y vit. Ces sculptures sont témoins de la complexité et de la précision de ce travail. Montée sur des grilles de pêche en métal, chaque mèche est brodée à la main, telle une toison d’or. Les vides que l’on voit entre les mèches s’apparentent quant à eux aux crânes de ces femmes qui font contraste avec la noirceur du tissage. Ces sculptures sont un hom- mage à la beauté des traditions africaines.